Ayman Mao | Le reggae pour la révolution

11/11/2021 - par Equipe - Culture

« Eh, ils t'ont acheté combien, pour faire couler le sang ? ». Aujourd'hui, une chanson de Ayman Mao, musicien et lyriciste de la révolution soudanaise. Un message adressé au général Al-Burhan, à l'armée et aux milices, et à tous ceux qui, avant eux, ont pris le pouvoir par le sang.

Portrait d'Ayman Mao lors de son concert sur la place d'Al Qyada. / Nous ne possédons pas les droits de cette image.

Comme on l'a vu dans d'autres articles, la chanson a joué un grand rôle dans la contestation populaire et l'histoire politique du Soudan, avec des chanteurs mythiques des différentes révolutions et soulèvements, parmi eux Mohamed Wardi, Mohammed Al-Amin, mais aussi des chanteurs de l'exil et de la nostalgie dans un pays en souffrance, comme Sharhabil Ahmed et Mustafa Said Ahmed. En fait, l'histoire de la chanson soudanaise est un répertoire de chansons de révolution, de colère et d'exil, qui ont accompagné les transformations et événements politiques du pays. 

La nouvelle génération a elle aussi ses légendes, dans des genres très différents. Parmi ces chanteurs, il y a Ayman Mao, qui a inventé le reggae soudanais : il chante en arabe soudanais, autour de thèmes politiques, sur des rythmes et des mélodies inspirées de Jamaïque et de Bob Marley. Il revendique une appartenance panafricaine et une identité soudanaise africaine, dans un pays où le gouvernement et les élites ont tout fait, depuis la fin de la colonisation, pour imposer une identité unique arabe et musulmane, au mépris de la diversité ethnique, linguistique et religieuse du pays.

Portrait d'Ayman Mao dans le clip "Non à la dictature". / Nous ne possédons pas les droits de cette image.

Né à Khartoum, il fonde un premier groupe de musique à l'université, où il est également un militant actif. Harcelé par les services de sécurité et acculé dans un pays où il ne voit aucun avenir artistique, il choisit de quitter le Soudan en 2009, et part pour les Etats-Unis. Commence alors de longues années d'exil, il rejoint d'autres chanteurs en exil, comme le chanteur et producteur Nas Jota. Ayman Mao s'est fait connaître en 2013, avec sa chanson "Non à la dictature" (voir ici), fruit d'une collaboration avec les artistes Sadiq et Mista D, et produit par Nas Jota, qui fait écho à l'énorme mouvement populaire de septembre 2013, parti d'un mouvement étudiant, durement réprimé (des centaines de morts). 

Il produit aussi quelques années plus tard la chanson "Kizan", qui vise le gouvernement d'Al-Bashir et tous ceux qui le soutiennent (voir ici). 

Sa chanson "Dam" (Sang) est devenu un des hymnes de la révolution de décembre 2018, et est encore, en ce moment même, entonnée et diffusée lors des manifestations, au Soudan comme à l'étranger. Lors du sit-in d'avril 2019 devant le Quartier Général du Ministère des Armées, ses amis et camarades organisent sa venue surprise, après des années d'exil, il apparait sur une scène improvisée sur la place, devant une foule d'un million de personnes, où il fait son premier concert dans le pays. Il entonne alors sa chanson "Dam" (Sang), et la foule, hurle, après chaque couplet, "thawra" ("Révolution !") (voir le live du concert ici). 

Portrait d'Ayman Mao lors de son concert sur la place d'Al Qyada. / Nous ne possédons pas les droits de cette image.

L'équipe de Sudfa s'est mise au travail pour en traduire les paroles. Bonne lecture !

Paroles de la chanson "Sang" de Ayman Mao

Pour écouter la chanson, c'est ici : https://www.youtube.com/watch?v=nDQllhhFLb8 COUPLET 1 - Ils tirent à balles réelles, Mais ils disent que les balles font rien, Les Janjawids [Forces de Soutien Rapide, une milice paramilitaire] C'est eux les vrais criminels ! - Ils disent que notre cause,  C'est une cause de rêveurs et de drogués Ils disent qu'on est qu'une bande de délinquants [des fauteurs de trouble] Mais nous, on a du style, on s'abaisse pas à ça [shaffata]. - On n'a pas d'armes, Dans notre main, on n'a que des briques, Et on vise la corruption, on vise les pistons, On vise le traitre de notre quartier, Qui fait des rapports sur nous comme les pires commères.  REFRAIN Eh, ils te paient combien, pour faire couler le sang ? Hein, ils t'ont acheté combien, pour faire couler le sang ? COUPLET 2 - Ils ont balancé des balles, ils ont balancé des lacrymogènes, Ils ont rassemblé tous les traîtres, Et nous, comme les lions au milieu de l'arène [la place, référence à la place d'Al-Qyada] On sort pour libérer le Soudan ! - On est sortis des maisons, on est sortis de chez nous,  Pas pour l'essence, ni pour les prix,  On est sortis pour obtenir justice ! Contre le commerce de la religion [instrumentalisation de la religion] Qui a tué les révolutionnaires. REFRAIN Eh, ils te paient combien, pour faire couler le sang ? Hein, ils t'ont acheté combien, pour faire couler le sang ? COUPLET 3 On ne reculera pas On ne lâchera pas On ne fuira pas On ne récapitulera pas  On ne se brisera pas  On ne vous laissera jamais tranquilles On ne sera pas vos victimes. 

Ayman Mao en concert. / Nous ne possédons pas les droits de cette image.

Nous appelons aussi à rejoindre les prochains rassemblements pour soutenir la révolution soudanaise, contre le coup d'état militaire. Non au retour en arrière !

> RDV samedi 13/11 pour des rassemblements partout en France. 

PARIS : 15h, Place de la République. Discussions de 10h à 13h à la Cantine Syrienne de Montreuil, dans le cadre du festival "Les Peuples Veulent".  LYON : 13h, Place Bellecour.  MARSEILLE : 13h, Métro Réformés Cannebière. 

Carte des villes de mobilisation prévues le samedi 13 novembre. / par Nasredin Gladeema, RAS-LYON.

Equipe

Article réalisé collectivement par les membres de Sudfa Media.

Culture

23/03/2024,
par Lea Senna Equipe

Abdelwahab Latinos : guerre et exil, les abîmes de la désillusion

23/03/2024, par Lea Senna Equipe

Le 17 août 2020, un jeune poète soudanais, Abdelwahab Youssef, dit « Abdelwahab Latinos », mourait en mer Méditerranée, en tentant de joindre l’Europe, laissant derrière lui une cinquantaine de poèmes magnifiques. Nous traduisons ici des extraits inédits de deux de ses poèmes, intitulés "Sur la guerre", et "Voyage d'un récit exilé".

27/10/2023,
par Khaled Siraj

Vingt langues en cinq pas ! Nostalgie alimentaire... Le Soudan au coeur de Paris

27/10/2023, par Khaled Siraj

Ce court texte littéraire de Khaled Siraj, écrivain soudanais exilé à Paris, décrit le quartier de La Chapelle, où se retrouvent les Soudanais-e-s de la capitale, sous le prisme de la nostalgie.

31/03/2022,
par Equipe

Soudan : le rap et la révolution - interview avec Black Scorpion

31/03/2022, par Equipe

Au cours de la révolution, le rap s'est imposé comme un genre musical majeur au Soudan. Interview avec le jeune artiste révolutionnaire Mustafa Abdel Salam, également connu sous le nom de Black Scorpion, pour parler de la situation et du rôle du rap dans le Soudan d'aujourd'hui.

11/11/2021,
par Equipe

Ayman Mao | Le reggae pour la révolution

11/11/2021, par Equipe

« Eh, ils t'ont acheté combien, pour faire couler le sang ? ». Aujourd'hui, une chanson de Ayman Mao, musicien et lyriciste de la révolution soudanaise. Un message adressé au général Al-Burhan, à l'armée et aux milices, et à tous ceux qui, avant eux, ont pris le pouvoir par le sang.

21/02/2021,
par Mona Basha

Une histoire de manuels scolaires

21/02/2021, par Mona Basha

Par Mona Basha | Pourquoi le recul du Premier Ministre sur la réforme des manuels et des contenus pédagogiques est un très mauvais signe pour la transition démocratique au Soudan.

22/01/2021,
par Lea Senna Hamad Gamal

Mohamed Wardi | Rends-nous les clés du pays

22/01/2021, par Lea Senna Hamad Gamal

Un peu de musique : aujourd'hui nous traduisons une chanson de Mohamed Wardi, un des plus grands chanteurs soudanais, qu'il écrivit en 1997 après le coup d'état d'Omar al-Bashir. Celle-ci a été redécouverte et reprise pendant la révolution de décembre 2018 qui a mené à sa chute, avec un message intemporel et universel : rends-nous les clés du pays.